Du temps en politique aux politiques tant qu’il en est encore temps

Article aujourd’hui archivé par Le Plus

Le temps, un concept bien difficile à cerner. Il nous échappe tel du sable entre nos doigts. Elastique, le temps passe si rapidement ou à l’inverse s’allonge sans fin. Parce que finalement nous avons tous notre définition du temps, je vous propose une série d’articles sur le sujet, en réalité orienté sur un thème d’actualité, et plus précisément la politique ici.

Un temps en politique bien mal défini

Débutons par l’une des expressions que nous utilisons à outrance, à tel point qu’aujourd’hui, le temps en politique a finalement perdu tout son sens, ne signifie plus rien de concret. Le temps en politique, s’agit-il du temps de mise en œuvre des politiques ? S’agit-il en fait de la durée des mandats ? S’agit-il encore de la durée maximale pour laquelle les administrés attendent des résultats ?

Si j’insiste sur la définition même du temps en politique, c’est précisément parce que je souhaite en donner une nouvelle. Je ne crois pas que le temps en politique doit être subjectif et ainsi varier, non seulement d’un gouvernement à l’autre, mais aussi dans l’idée que chacun s’en fait. Je pense donc qu’un cadre institutionnel, bien que souple, doit être instauré pour permettre aux hommes et femmes politiques de prendre le temps de décider pour la France et pour les Français. Je suis assez hostile à l’urgence politique qui, sous prétexte d’un fait d’actualité, d’un sondage orienté de telle ou telle manière ou de l’intervention d’une personnalité publique, conduit les dirigeants de nos pays à prendre des mesures immédiates sur des sujets majeurs pour la société et qui mériteraient réflexion. Cependant, j’admets sans aucune réserve que des circonstances conduisent à l’ « urgence des politiques », évidemment légitime et primordiale, puisque venant en réaction à des objectifs, des missions ou des situations qui réclament une action immédiate.

Ce cadre institutionnel, ce serait de mon point de vue une convention constitutionnelle, à l’instar, par exemple, de la démission du gouvernement à la suite des élections législatives, nullement imposée par la Constitution. Il s’agirait réellement de poser des temps, plus ou moins longs, de réflexion, de rétrospection et d’introspection du pouvoir. Comme je l’ai dit, je désavoue l’urgence politique. En ce sens, je pense que l’action politique, sur les sujets de fonds, doit se faire en deux temps. D’une part, un vaste audit doit avoir lieu, avant toute chose, et confié à des experts du domaine. Je pense notamment à la réforme des lycées qui avait été précédée par une vaste étude au sein des établissements menée par Richard Descoings. J’ai la conviction que cet exemple de consultation et de travail préalable devrait être généralisé, et non seulement confié aux institutions habituelles que sont les Inspections Générales. J’omets ici naturellement les négociations avec les acteurs concernés qui est le fondement de la démocratie.

D’autre part, je considère que le rôle de l’Assemblée Nationale doit être légèrement différent. Je pense en effet que les amendements proposés sont trop souvent rejetés, faute de fond, il faut le dire, ou de forme. Il existe des moments clefs dans nos sociétés, notamment les débats sur l’Ecole, par exemple, qui devraient être ceux d’une sorte de consensus national où l’intérêt supérieur de la Nation primerait sur les clivages partisans. J’ai conscience qu’une telle idée est difficilement applicable. Cependant, j’y reste attaché en constatant que la politique extérieure et la diplomatie font l’objet, la plupart du temps, d’une unité sans précédent, quel que soit le gouvernement en place. J’exclus donc naturellement les questions idéologiques de mon raisonnement, où un consensus n’aurait pas de sens. Cependant, du point de vue économique, politique – stricto sensu – ou encore de l’Education Nationale, ne pourrions-nous pas débattre d’une nouvelle manière ? Je réponds par la positive.

Agir tant que l’on le peut : politique d’un temps et politiques hors du temps 

Le temps et la politique vivent également deux autres relations : d’abord, celle de la concordance entre les politiques et l’époque contemporaine et d’autre part, la volatilité temporelle des politiques mises en place.

Attachons-nous à la première conception. Chaque jour davantage les citoyens que nous sommes attendent de nos dirigeants des politiques qui, évidemment, apportent une valeur ajoutée au domaine concerné, mais aussi, ce qui paraît naturel, adaptées et en conformité avec les attendes contemporaines des administrés. Autrement dit, nous demandons aux hommes et femmes politiques des actions ancrées dans notre temps. Se posent alors deux problématiques. Premièrement, comment pouvons-nous exiger des politiques inscrites dans une dynamique actuelle puisque – et fort heureusement ! – nous ne vivons pas tous dans le même temps. Nous avons des repères temporels différents, des références chronologiques divergentes. L’opposition malheureuse entre les générations est l’illustration parfaite de cet antagonisme. Je pense donc à l’inverse que les politiques doivent transcender ces dissensions pour en faire au contraire des forces de notre société. Je ne reviendrai pas ici sur le profond intérêt de l’échange intergénérationnel. Par ailleurs, la classe politique ne représente pas, en m’attachant exclusivement au critère de l’âge, la pyramide française. A ce titre, je crois qu’il convient de donner une nouvelle place à ceux que l’on n’entend moins, c’est-à-dire les jeunes notamment, mais pas seulement, sans pour autant aller jusqu’à la discrimination positive en politique. Je pense simplement que des jeunes doivent toujours être aux côtés des décideurs, qui, par ailleurs, semblent l’avoir compris.

Quant à la volatilité temporelle des mesures mises en place par un gouvernement, elle rejoint finalement les idées que j’ai développées auparavant. En effet, les temps d’élection sont par définition les moments durant lesquels une rupture plus ou moins nette va se produire, conduisant à une nouvelle conception de la France elle-même (impulsée par les votants). Ainsi, les politiques conjoncturelles impulsées par les anciens gouvernants seront soit remises en cause, soit remplacées. Il s’agit, en fait, du jeu de l’alternance politique et de la démocratie. Cependant, d’un autre point de vue, certaines politiques de long terme – ou du moins qui devraient l’être – telles que l’éducation de nouveau, mais pas uniquement, ne peuvent être renversées au gré des dirigeants. C’est en ce sens que ma proposition précédente concernant la mise en place effective des réformes structurelles entre en jeu. En effet, par exemple, la question du maintien ou non du collège unique n’est pas tant une question politique qu’une problématique républicaine. On ne peut défaire et refaire le collège à souhait. Il convient donc d’engager des réflexions « supra-partisanes » pour définir la ligne à long terme d’un des fondements républicains.

Les temps de la politique existent-ils ?

Enfin, je me dois d’aborder la question du point de vue des citoyens. Nous, qui ne sommes pas au pouvoir et qui, pour la majorité, n’avons aucune ambition en ce sens, devons-nous tout de même renoncer à toute forme de participation et d’engagement qui dépasserait celui du devoir civique qu’est le vote ? Y a-t-il réellement un temps de la politique selon lequel les uns pourraient ou non s’engager ou du moins avoir la volonté de défendre leurs convictions. Une nouvelle fois, je répondrai par la négative. Je ne crois en aucun cas à une hypothétique limite d’âge pour laquelle les « moins de » ne pourraient être des acteurs au niveau politique.

Si nous devons accorder à ceux qui nous dirigent un temps pour mettre en place les propositions, les idées, les conceptions pour lesquelles nous avons élu un candidat, il est aussi de notre devoir de nous engager, de nous déplacer lors des élections, de nous exprimer sans pour autant que l’on nous y invite. Les hommes et femmes politiques ont aussi besoin des idées de ceux qu’ils représentent. Nous devons également être à l’origine des projets que nous désirons pour notre pays. Cet appel à l’engagement et à la mobilisation de chacun d’entre nous, il est valable pour les jeunes (tel que je le fis dans un précédent article) mais aussi pour tous les citoyens. J’en appelle à notre responsabilité collective !

Guillaume PLAISANCE – Le Plus du Nouvel Obs – Tribune – 20 novembre 2013